Voilà un bon moment que je comptais boucler ce Tour des Dents du Midi, après en avoir déjà réalisé quelques tronçons. Ce sera en compagnie de mes deux potes Michel & Michel pour notre désormais traditionnelle « Rando des Chiefs » de juin.

Plusieurs variantes possibles pour entrer sur le tour. Nous choisissons l’option sportive en partant depuis Champéry et le sens antihoraire pour le parcours. Première étape à la cabane CAS de Susanfe, en s’étant préalablement restaurés à celle de Bonavau. Entre les deux le « passage technique » du périple: le Pas d’Encel. Bien sécurisé, il ne pose aucun problème aux personnes non sujettes à la peur du vide. Mieux vaut cependant pour ces dernières le franchir à la montée et dans l’idéal pour tout le monde par temps sec.

Accueil exceptionnel à Susanfe par la gardienne Fabienne, et rencontre qui l’est non moins avec Raymond et sa compagne. Guide de montagne prévôtois, il a écrit de très belles pages de l’alpinisme en Suisse et ailleurs, avec entre autres le Dhaulagiri et l’Everest (à 200m du sommet) – respect. Instants réellement privilégiés, nous ne sommes que six personnes à passer la nuit à 2’100m au-dessus de la canicule.

Encore une petite passe de jeux de mots, d’humour et un quizz culturel avec Fabienne (Cyrano 1-0, elle comprendra…), puis départ. Montée au Col de Susanfe, le vent se lève et pousse des paquets d’humidité, il fait presque froid alors qu’en plaine la température va dépasser les 30 degrés. Le paysage devient lunaire.

Nous basculons vers le but du jour, l’auberge de Salanfe, en traversant ce qui fut un amphithéâtre glaciaire. Des glaciers, il n’en reste plus guère autour de nous. Le niveau du lac de Salanfe est particulièrement bas, conséquence du manque de précipitations de l’hiver dernier. Vous avez dit réchauffement climatique? Pour moi pas de doute là-dessus.

Arrivés à l’auberge, nous lézardons sur la terrasse en éclusant de très bonnes bières artisanales brassées dans la région, les 7Peaks (c’est la minute de pub, et gratuite!), en référence aux 7 sommets des Dents du Midi.

Ces moments après l’effort sont mes préférés. Loin du stress, on refait le monde en se répétant que nous sommes des privilégiés. Le bonheur est dans la simplicité, cette randonnée l’illustre une fois encore. Une belle lumière crépusculaire nimbe les environs, épilogue de notre seconde journée.

Le troisième jour commence par une jolie montée au Col du Jorat. Dernier coup d’oeil en arrière sur Salanfe, puis cap sur la longue descente qui nous conduira à Mex, sous le regard bienveillant de la Vierge des Gagneries, impressionnante colonne rocheuse qui nous domine.

Nous reposons nos jambes et reprenons des forces dans un charmant restaurant de Mex, l’unique village que traverse le tour. Puis reprise de la marche vers l’étape du soir, l’auberge de Chindonne, par un chemin agréablement varié.

Tout au long de ces quatre jours, de belles touches de couleur ont égayé le paysage souvent minéral. Les innombrables fleurs transforment les prairies alpines en de véritables toiles impressionnistes. J’ai retenu deux fleurs violettes très différentes pour illustrer mon propos: la Saxifrage à feuilles opposées, qui a déjà été repérée à plus de 4’500m d’altitude, et le Lis martagon, un habitué des bois et prairies de montagne.

Voici déjà le dernier jour. Les nuages collent à la montagne, atmosphère presque tropicale en raison du soleil qui finit par percer. Ambiance fantasmagorique et visibilité réduite, à tel point que nous avons failli nous faire renverser par 3 chamois qui dévalaient un couloir d’avalanche.

Arrêt à la cabane d’Anthème pour une tarte aux abricots et un expresso. Les nuages se dissipent enfin. Sans doute motivés par les nombreux « trailers » croisés durant notre périple, nous avalons la descente sur Champéry au petit trot.

55 km et 4’000m de dénivelé pour résumer cette escapade en chiffres. D’autres variantes moins exigeantes sont possibles pour réduire l’effort ou l’étaler sur cinq jours.

Bien plus que les chiffres, je retiens de cette expérience la grande variété des paysages, ambiances, lumières, flore, faune, et comme souvent lors de randonnées au long cours l’échange humain dans le groupe et au gré des rencontres. Ce fut le cas à chaque étape, et je tiens à souligner la qualité de l’accueil dans toutes les cabanes et auberges que nous avons fréquentées. Ce Tour des Dents du Midi fera partie de mon programme en 2018, c’est certain.

JS