Cette aventure débute par un message sur le formulaire de contact de Randonnez-moi! le 25 mai 2022. L’ONG HELVETAS cherche des spécialistes pour développer la raquette à neige au Kirghizstan. Je pense d’abord à un spam, mais une rapide recherche me démontre que le projet, financé par le SECO, est sérieux. Il s’agit de procurer une activité aux guides de randonnée qui travaillent l’été sur de nombreux treks mais qui sont sans emploi l’hiver venu.
9 février 2024, c’est le départ pour cette ex-république de l’URSS. Dans l’intervalle, j’ai réalisé une étude de marché auprès de mes clients et contacts, qui atteste d’un intérêt certain pour une découverte du Kirghizstan combinant randonnées en raquettes à neige et activités culturelles. Cette étude a servi de support pour mon travail de brevet fédéral d’accompagnateur en montagne obtenu l’an dernier (voir cet article).

Situé en Asie centrale, le pays possède une frontière commune avec la Chine au sud-est, le Kazakhstan au nord, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan à l’ouest et au sud-ouest. Ce fut de tout temps un carrefour migratoire, qui a marqué sa culture et son histoire – nous en reparlerons.

Il faut une bonne douzaine d’heures de voyage, avec escale à Istanbul, pour atteindre Bishkek, la capitale. Puis entre 5 et 6 heures de route, souvent chaotique, en longeant par sa rive nord l’immense lac Issyk-Koul (« lac chaud » en kirghize), pour arriver à Karakol, la base de départ des activités de trekking.

Une vaste plaine bordée au sud et au nord par d’imposantes chaînes de montagnes qui mangent l’horizon, aussi loin que le regard porte. Les plus hautes culminent à près de 7’500 mètres. Une lumière douce mais froide baigne le paysage, qui semble monotone au premier regard. C’est juste que cette immensité ne change que lentement au gré du déplacement, l’échelle est différente, une autre dimension.

Et soudain, en explorant l’une des innombrables vallées latérales, c’est l’explosion de couleurs et de formes des falaises de grès sculptées par l’érosion.

Autour de Karakol, ces vallées se font tour à tour sauvages, désertes, ou alors franchement touristiques, avec un domaine skiable datant de l’époque soviétique. Mollets et âmes sensibles s’abstenir, car les installations ne connaissent qu’une allure: le galop. Les chaises du télésiège défilent à toute vitesse, et les utilisateurs qui l’empruntent à la descente n’ont d’autre choix que de larguer dans le vide leurs skis ou snowboards avant de se faire extraire sans ménagement par un employé de l’installation. Sans parler des pannes de courant…

L’enneigement est très variable. Karakol se situant à 1’800 mètres d’altitude, les précipitations sous forme de neige sont la règle en hiver. Mais en raison de la sécheresse et du dérèglement climatique, elles ont tendance à se raréfier. Certaines régions jouissent d’un micro climat favorisant une épaisse couverture neigeuse, comme c’est le cas à Jyrgalan, départ de nombreux itinéraires, dont certains de plusieurs jours avec la nuitée dans des yourtes.

La yourte est l’un des éléments essentiels de la culture kirghize, illustrant le passé nomade de ce peuple. Habitat traditionnel, il concentre tous les aspects de la vie, de la naissance à la mort. Faite d’une enveloppe de feutre sur une armature en bois, elle offre un confort surprenant et une température agréable grâce au poêle qui a remplacé le foyer central.


La mission sur place était entre autres de réaliser un inventaire des possibilités de randonnées en raquettes à neige, d’évaluer la qualité des infrastructures, le niveau de formation et d’encadrement des guides locaux, et de proposer des pistes d’amélioration.


A ce titre, j’ai intégré une randonnée conduite par des guides de randonnée locaux, animé un workshop sur l’échange de bonnes pratiques et conduit une excursion-initiation à la raquettes pour des opérateurs et guides locaux. Voir aussi cette vidéo sur Facebook.



Pas de bulletin avalanche ni de cartes précises, un manteau neigeux façonné par un fort gradient de température et constitué d’épaisses couches de givre sans cohésion. Comme les guides de randonnée locaux n’ont que très peu de connaissances en nivologie ni même le matériel de sauvetage de base, il s’agit de sélectionner des itinéraires non exposés aux avalanches. Les conditions lors de la randonnée d’application étaient très critiques, nous avons d’ailleurs déclenché à distance plusieurs petites plaques.

Mais revenons au pays: situé sur le trajet de la Route de la soie, le Kirghizstan a connu différents empires: arabe, perse, chinois, mongol, soviétique, qui ont influencé la culture, les traditions, la religion, la langue et la cuisine.


Indépendante depuis 1991 et la chute de l’URSS, la région est encore marquée par l’influence russe: cette langue y est couramment parlée, et les increvables Lada sillonnent toujours les routes et pistes au côté des cavaliers et d’autres véhicules improbables.



A Karakol par exemple cohabitent plusieurs ethnies et religions, encore partiellement regroupées par quartiers.



J’aurais encore beaucoup à raconter, mais je laisse le proverbe se vérifier: « une image vaut mille mots »









On dirait presque la Suisse, sauf que… il n’y a personne.

Et arrive le moment où il faut songer à rentrer. Retour cette fois par la rive sud du lac Issyk-Koul sur la capitale Bishkek, ville sans trop de charme au premier abord mais qui recèle quelques endroits intéressants, par exemple le Musée national historique ou le bazar.



Sans oublier de nombreux restaurants aux prix aussi doux que la cuisine y est excellente.

12 jours ont passé, ma mission s’achève, une petite nostalgie m’envahit. Une certitude: « I’ll be back » comme disait l’Arnold dans « Terminator ». Pour une autre mission peut-être, et très probablement avec mes clients pour une nouvelle aventure!
Et pourquoi pas en 2025, pour fêter les 10 ans de Randonnez-moi! ?
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JS
8 réflexions au sujet de « Kirghizstan, à perte de vue »
sublime, tes photos, j’adore!!
Merci beaucoup Reto, sensible à tes compliments!
La prochaine fois je prendrai mon vrai appareil de photo…
Magnifique reportage, complet et vivant, on a envie d’y aller à notre tour !
Ne serait-ce l’âge ?
L’âge c’est dans la tête! Bon, un peu dans les artères aussi…
Quelles magnifiques couleurs! Cela ressemble un peu aux Dolomites sans les aiguille
Y-a-t-il des options de skis de randonnée? Ce serait pas mal non plus.
Bonsoir Nelly,
Merci pour ton commentaire! Oui, des guides de montagne locaux certifiés UIAGM-IFMGA proposent des randos à ski, de même que certains guides internationaux. Il faut bien s’assurer de la qualité de l’encadrement, car il n’y a pas vraiment de secours organisés en cas de problème.
Les photos sont magnifiques!!
Et ca donne envie d’y aller.
Ou peut on trouver les coordonnées des guides de montagne locaux certifiés UIAGM-IFMGA?
Les itinéraires des randonnées raquettes sont ils praticables en ski de randonnée NORDIQUE ?
Bonjour,
Merci de votre commentaire!
Voici le lien sur l’annuaire des guides certifiées membres de l’association kirghize des guides de montagne: https://mguide.in.kg/en/guides
Il n’y a pour l’instant que très peu d’itinéraires de randonnée en raquettes. C’est l’un des buts de ce projet d’en développer de nouveaux. Les existants ne sont guère adaptés au ski de randonnée nordique.
Cordialement