Cela faisait 8 ans que je n’étais pas retourné sur le lieu de ce drame. Un géant, le plus grand glacier des Alpes, se meurt. D’après des chercheurs de l’EPFZ, qui ont réalisé une simulation de sa fonte selon 3 scénarios, il ne subsistera en 2100 que 40% de la masse de glace actuelle dans le « meilleur » des cas, et plus de glacier du tout dans le pire. Même si le réchauffement climatique pouvait miraculeusement cesser aujourd’hui, le grand glacier d’Aletsch perdrait de toute manière 50% de sa masse. 

Introduction guère optimiste j’en conviens. Alors changeons d’état d’esprit et profitons au jour le jour du spectacle grandiose. J’ai choisi de parcourir en itinérance la région d’Aletsch, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, en 5 jours et 4 nuits. Et pour commencer un premier sommet qui nous offre une vue plongeante sur notre futur terrain de jeu, atteint après quelques heures de marche le long d’un bisse rafraîchissant et au travers de prairies alpines couvertes de fleurs.

Le lendemain, départ pour la réserve naturelle de la forêt d’Aletsch. Les sentiers sont admirablement tracés et parfaitement entretenus, ce qui m’a inspiré cet article. La forêt est majoritairement composée de mélèzes, d’épicéas et de pins arole. Qui dit arole dit casse-noix moucheté, observé à de nombreuses reprises au cours de la randonnée. L’un des instants marquants du jour est sans conteste la traversée du pont suspendu qui enjambe la tumultueuse Massa issue du glacier.

La remontée sur la moraine de la rive gauche offre de beaux points de vue sur la langue glacière ainsi qu’une possibilité de pique-niquer au bord du Grünsee le bien-nommé. Les tritons alpestres, libellules et gerris (araignées d’eau) peuplent ce haut-marais en formation.

Le but du jour est bientôt en vue: la Villa Cassel, centre Pro Natura d’Aletsch. Une maison chargée d’histoire, un endroit hors du temps, un jardin botanique qui vaut le détour, les ingrédients sont réunis pour passer une belle soirée et une nuit reposante, sauf si une classe d’élèves suisses-alémaniques y passe aussi le dernier jour de son camp vert… Heureusement que les tampons auriculaires font partie intégrante du matériel du randonneur itinérant!

C’est le grand jour, nous allons remonter le long du glacier et contempler le fleuve de glace dans toute sa splendeur. Je choisis de ne pas suivre en totalité les itinéraires classiques afin de varier les points de vue. Après les orages de la nuit les nuages collent encore aux montagnes, mais la haute pression et la vigueur du soleil de ce début juillet vont progressivement les dissiper. La lumière est superbe, le géant se dévoile. Quel spectacle!

La Konkordiaplatz apparaît au loin, 800 mètres d’épaisseur de glace – pour l’instant… Aux jumelles on distingue la cabane Konkordia, dont l’accès a été modifié à plusieurs reprises en raison de la fonte du glacier – on y revient sans cesse. Puis à l’arrière plan se dressent des sommets bien connus, mais vus sous un angle inhabituel: Jungfraujoch, Mönch, Eiger. La Jungfrau, ce sera pour demain.

Au programme de ce nouveau jour un ciel vierge de nuage et deux sommets, dont le second se mérite après un parcours aérien et chaotique sur une arête rocheuse. A n’envisager qu’à condition d’avoir le pied sûr, de bonnes chaussures et d’apprivoiser le vide. Il existe une alternative plus tranquille pour les moins aguerris.

De ce point du vue privilégié le regard embrasse l’entier du fleuve de glace. Spectaculaire, majestueux, les qualificatifs me manquent. Il semble immuable, il est malheureusement déjà condamné.

Une longue descente vers Bettmeralp et une petite balade dans le village pour conclure la journée. Sans oublier de s’hydrater, comme chaque soir…

Dernière étape pour boucler le périple. L’option courte est choisie, afin de minimiser les dénivelés, économiser les genoux, et s’octroyer une grasse matinée.

Nous sommes en milieu de matinée et il fait déjà chaud, mais le sentier est en bonne partie ombragé, surtout dans la descente vers le barrage sur la Massa que nous retraversons.

Encore quelques hectomètres et nous voici arrivés. Fin de l’aventure, du moins provisoirement, car je vais mettre cette proposition à mon programme 2023. Suite à cette reconnaissance, j’ai envie de partager cette expérience tout en affinant certains détails logistiques. Par exemple, la région est chère, mais quelques hébergements sont plus abordables. Il y a un grand choix de chemins, certains très parcourus, d’autres plus confidentiels.

Alors à l’année prochaine pour cette nouvelle aventure!

JS