L’idée de cet article m’est venue en discutant sur les flancs de Dame Berra avec l’un de mes collègues, en charge de sensibiliser les randonneurs au respect de la zone de tranquillité toute proche. J’ai tout entendu sur cette zone de tranquillité, instaurée par le Conseil d’Etat fribourgeois fin 2013: marchandage des associations de protection de l’environnement à l’occasion de la rénovation des remontées mécaniques, excès de zèle de l’Etat de Fribourg sous la pression de l’Office fédéral de l’environnement, ou simplement le besoin préserver un habitat naturel face à la pression croissante des randonneurs…

La Berra, flanquée de son petit copain le Cousimbert, est l’un de mes terrains de jeu favori, à 25′ de mon domicile. J’y pratique la randonnée pédestre, en raquettes ou à ski, le VTT, la course à pied, depuis toujours. Encombrée, voire embouteillée par moment, elle recèle aussi des lieux confidentiels, hors du monde et du temps, une palette d’atmosphères et de lumières sans cesse renouvelée au fil des saisons. Les années passent et je ne m’en lasse pas.

Je me souviens de mes premières escapades à ski de rando sur ses pentes. Bonheur de tracer dans la neige vierge, de jouir de ces paysages magnifiques et de cette solitude toute relative, car si proche de la plaine et de la civilisation. Je n’y croisais presque personne, même à la pleine lune. L’engouement pour les activités de plein air, le besoin d’une population de plus en plus urbaine de se ressourcer ont rendu Dame Berra très, trop populaire. La faune qu’elle abrite est sous pression, dérangée, devenant vulnérable, particulièrement en hiver lorsque la nourriture se fait rare, les déplacements dans la neige énergivores et périlleux. Pas nécessaire d’être biologiste pour comprendre, et pas le choix: il faut légiférer pour protéger.

Alors oui, je regrette un peu l’époque pas si lointaine où je pouvais cheminer sans contrainte, et je comprends bien la frustration chez certains habitués de se faire imposer des restrictions. Le collègue dont il est question au début de cet article m’a confirmé la présence de tétraonidés derrière la crête du Cousimbert, ce qui a motivé la récente modification de l’ordonnance régissant la zone et la disparition d’un itinéraire de randonnée hivernale. J’en profite pour vous mettre en lien l’ordonnance et la carte de ces itinéraires, car au moment où j’écris cet article les sites internet de l’Office fédéral de la topographie et celui de « Respecter c’est protéger » n’ont toujours pas complètement intégré ces modifications (ordonnance et carte).

En plus des sensibilisations effectuées sur le terrain par des accompagnateurs, des affiches ont été postées et des barrières érigées aux endroits stratégiques. Ce qui n’empêche pas quelques irréductibles (pour être poli) de franchir allègrement les cordes et de traverser les habitats typiques des animaux que la zone est censée protéger. En remontant un matin (sur l’itinéraire autorisé, ai-je besoin de le préciser) le vallon aboutissant au chalet La Berra, j’ai compté dans la neige tombée la nuit précédente pas moins de 6 traces de descente et même une de montée juste sous le sommet. Faudra-t-il que le garde-faune distribue des amendes? A CHF 100 l’infraction, pas sûr que cela soit suffisamment dissuasif. Mieux vaut donc continuer d’informer et de sensibiliser – cet article est ma modeste contribution à l’effort.

Prenez la peine de vous informer sur le site « Respecter c’est protéger » et de contrôler sur la carte interactive que la randonnée que vous projetez ne traverse pas une zone de tranquillité ou un site de protection de la faune hors des itinéraires autorisés. Votre portemonnaie, mais surtout l’environnement et ses habitants, vous en seront reconnaissants.

Si vous souhaitez en savoir plus, je traite de ce sujet, et de bien d’autres, dans les initiations et formations à la pratique de la raquette à neige.

JS